Les algues, une source d’oméga 3 pour les produits d’origine animale ?

Les acides gras oméga-3 constituent une famille dont le premier élément est l’acide alpha-linolénique (ALA, 18/3(n-3)), acide gras indispensable au bon fonctionnement de l’organisme. Les autres membres, dérivés de l’ALA, sont constitués de chaînes carbonées plus longues et plus insaturés. Les principaux sont l’acide EPA (acide eicosapentaénoïque), l’acide DHA (acide docosahexaénoïque) et, découvert plus récemment, l’acide DPA (acide docosapentaénoïque).

L’importance nutritionnelle des omégas 3 est largement documentée en nutrition humaine (Ponnanpalam et al., 2021). Ils permettent un fonctionnement physiologique optimal et sont bénéfiques pour la santé (Shahidi et al., 2018). En effet, les oméga-3 ont un effet potentiel dans la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires, de certaines maladies auto-immunes, du diabète, de certains types de cancers et présentent un rôle important dans le développement neuronal (Gonzalez-Esquerra et Leeson., 2001). Ces éléments ont suscité un grand intérêt pour le développement d’aliments fonctionnels qui présentent des oméga-3 dans leur composition. Ces avancées ont mené à une amélioration du contenu en oméga-3 des produits d’origine animale via l’alimentation des animaux de rente avec l’apport de lipides adaptés (Bourre et al., 2004). La commercialisation de produits animaux enrichis en acides gras polyinsaturés via l’alimentation animale est ainsi un moyen d’augmenter la consommation d’oméga-3 chez l’Homme.

La qualité des graisses présentes dans la nourriture animale détermine fondamentalement la valeur nutritionnelle pour l’Homme des aliments qui en sont dérivés. Les conséquences (qualitatives et quantitatives) des modifications de la composition de l’alimentation animale sur cette valeur nutritionnelle sont plus amples chez les monogastriques que chez les polygastriques. Il a été prouvé qu’en nourrissant les animaux avec des extraits de poissons ou d’algues sous forme d’huiles, la quantité de DHA est multipliée par 20 dans le poisson (saumon), 7 dans le poulet, 3 à 6 dans les œufs et 2 dans la viande de bœuf (Bourre et al., 2005).

Cependant, la quantité d’acides gras oméga-3 dans les graisses laitières des ruminants est très faible (Gomez-Cortés et al., 2018). Ces faibles taux couplés à une teneur non négligeable en acide gras saturés et trans ont amené certains nutritionnistes à déconseiller la consommation de matières grasses laitières et de produits laitiers entiers. Mais la teneur en oméga-3 dans la matière grasse du lait peut être naturellement améliorée en complétant le régime alimentaire des ruminants avec une source lipidique enrichie en acides gras polyinsaturés. Néanmoins, le pourcentage d’acide gras polyinsaturés atteint dans les matières grasses laitières dépasse rarement 1% (Papadopoulos et al., 2002).

En parallèle, il est important de préciser que la consommation d’acides gras oméga-3 par les animaux contribue à améliorer leur santé et leur performance.

Les algues pourraient donc être un ingrédient alimentaire circulaire, durable et prometteur pour la nutrition animale. Cet organisme aquatique pourrait être une source de protéines mais aussi une source de matières grasses (Madeira et al., 2017). Certaines microalgues photosynthétiques spécifiques contiennent de grandes quantités de DHA et EPA. Elles pourraient donc constituer des compléments intéressants dans l’alimentation animale. En plus de ces aspects nutritionnels, les algues présentent de multiples propriétés : antibactérienne, anti-inflammatoire et anti-oxydant (Furbeyre et al., 2017, de Jesus Raposo et al., 2013) intéressants pour la santé des animaux.

Suite à ces éléments de littérature, il est important de déterminer dans quelle mesure les produits à base d’algues peuvent fournir des nutriments digestibles, de connaitre leur impact sur les performances de production et la santé des animaux ainsi que leur impact sur la teneur en oméga-3 des produits d’origine animale consommés en alimentation humaine.

Une première étude portant sur les effets de microalgues (Nannochloropsis limnetica) sur la rétention des nutriments, les performances, les caractéristiques des œufs et les paramètres de santé en poules pondeuses permet de mettre en évidence une amélioration du taux de ponte avec l’apport de microalgues (1 à 3% de la ration), une baisse des taux d’haptoglobine sanguin (marqueur de l’inflammation) ainsi qu’un effet significatif de l’inclusion d’algues sur l’EPA et en particulier la teneur en DHA dans le jaune d’œuf. Par conséquent, la teneur totale en oméga 3 de l’œuf est affectée positivement par les taux d’inclusion des microalgues. Les niveaux de DHA et EPA dans les œufs obtenus dans cette étude sont respectivement de 20.5 – 53.9 et 0.7 – 5.3 mg/œuf. D’après la consommation moyenne d’aliment et le nombre d’œufs produits par période, l’assimilation estimée en EPA et DHA dans les œufs est d’environ 35 % pour les différents taux d’incorporation d’algues. Bien qu’il n’existe pas encore de directives officielles pour l’apport d’acides gras oméga 3 à longue chaîne chez l’homme, un minimum de 160 à 250 mg et un maximum de 3000 mg d’EPA et de DHA combinés sont indiqués pour la consommation quotidienne. La consommation d’œufs enrichis en oméga 3 avec ces microalgues peut contribuer à cet apport. (Mens et al., 2022).

Une seconde étude a pour objectif d’évaluer les effets in vivo de régimes iso énergétiques fournissant la même quantité de matières grasses mais avec des sources d’acide gras oméga 3 différentes (huile de palme, huile de lin, huile d’algues) sur les performances et la composition de la matière grasse laitière. Chez les brebis laitières, le remplacement d’une matière grasse enrichie en acides gras saturés de 2,3 % par de la matière grasse provenant d’huile d’algues contenant des acides gras oméga 3 est une stratégie efficace permettant d’enrichir le lait en DPA, EPA et DHA et diminuer le ratio n6/n3. Cependant, des formes d’huiles d’algues « protégées » doivent être envisagées afin de prévenir les effets négatifs potentiels sur l’ingestion de matière sèche des animaux, le rendement laitier et la qualité du lait (Manso et al., 2022).

Ces données encourageantes démontrent une relation entre l’apport d’algues dans la ration alimentaire des animaux et le teneur en oméga 3 des produits d’origine animale. Les algues peuvent donc constituer une stratégie intéressante pour améliorer les valeurs nutritionnelles des produits d’origine animale.

Références :

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Bourre, Jean-Marie. « Alimentation Animale et Valeur Nutritionnelle Induite Sur Les Produits Dérivés Consommés Par l’homme : Les Lipides Sont-Ils Principalement Concernés ? » Oléagineux, Corps Gras, Lipides 10, no 5‑6 (septembre 2003): 405‑24. https://doi.org/10.1051/ocl.2003.0405.

Furbeyre, H., J. van Milgen, T. Mener, M. Gloaguen, et E. Labussière. « Effects of Dietary Supplementation with Freshwater Microalgae on Growth Performance, Nutrient Digestibility and Gut Health in Weaned Piglets ». Animal 11, no 2 (février 2017): 183‑92. https://doi.org/10.1017/S1751731116001543.

Gómez-Cortés, Pilar, Manuela Juárez, et Miguel Angel de la Fuente. « Milk Fatty Acids and Potential Health Benefits: An Updated Vision ». Trends in Food Science & Technology 81 (1 novembre 2018): 1‑9. https://doi.org/10.1016/j.tifs.2018.08.014.

« González-Esquerra et Leeson – 2001 – Alternatives for enrichment of eggs and chicken me.pdf ». Consulté le 28 février 2023. https://cdnsciencepub.com/doi/pdf/10.4141/A00-092.

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Jesus Raposo, Maria Filomena de, Rui Manuel Santos Costa de Morais, et Alcina Maria Miranda Bernardo de Morais. « Health Applications of Bioactive Compounds from Marine Microalgae ». Life Sciences 93, no 15 (10 octobre 2013): 479‑86. https://doi.org/10.1016/j.lfs.2013.08.002.

Madeira, Marta S., Carlos Cardoso, Paula A. Lopes, Diogo Coelho, Cláudia Afonso, Narcisa M. Bandarra, et José A. M. Prates. « Microalgae as Feed Ingredients for Livestock Production and Meat Quality: A Review ». Livestock Science 205 (1 novembre 2017): 111‑21. https://doi.org/10.1016/j.livsci.2017.09.020.

Manso, Teresa, Beatriz Gallardo, Paz Lavín, Ángel Ruiz Mantecón, Carmen Cejudo, Pilar Gómez-Cortés, et Miguel Ángel de la Fuente. « Enrichment of Ewe’s Milk with Dietary n-3 Fatty Acids from Palm, Linseed and Algae Oils in Isoenergetic Rations ». Animals 12, no 13 (janvier 2022): 1716. https://doi.org/10.3390/ani12131716.

Mens, A. J. W., M. M. van Krimpen, S. K. Kar, F. J. Guiscafre, et L. Sijtsma. « Enriching Table Eggs with N-3 Polyunsaturated Fatty Acids through Dietary Supplementation with the Phototrophically Grown Green Algae Nannochloropsis Limnetica: Effects of Microalgae on Nutrient Retention, Performance, Egg Characteristics and Health Parameters ». Poultry Science 101, no 6 (1 juin 2022): 101869. https://doi.org/10.1016/j.psj.2022.101869.

Papadopoulos, George, Christos Goulas, Eleni Apostolaki, et Ruben Abril. « Effects of Dietary Supplements of Algae, Containing Polyunsaturated Fatty Acids, on Milk Yield and the Composition of Milk Products in Dairy Ewes ». Journal of Dairy Research 69, no 3 (août 2002): 357‑65. https://doi.org/10.1017/S0022029902005599.

Shahidi, Fereidoon, et Priyatharini Ambigaipalan. « Omega-3 Polyunsaturated Fatty Acids and Their Health Benefits ». Annual Review of Food Science and Technology 9, no 1 (2018): 345‑81. https://doi.org/10.1146/annurev-food-111317-095850.

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